Les Quarante-cinq. Tome I - страница 19

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Le roi se laissa attendre un instant, puis, se retournant de leur côté :


– Eh bien ! messieurs, – quoi de nouveau ? demanda-t-il.

Bonjour, monsieur le président Brisson.


– Sire, répondit le président avec sa dignité facile que l’on appelait à la cour sa courtoisie de huguenot, nous venons supplier Votre Majesté, ainsi que l’a désiré M. de Thou, de ménager la vie du coupable. Il a sans doute quelques révélations à faire, et en lui promettant la vie on les obtiendrait.


– Mais, dit le roi, ne les a-t-on pas obtenues, monsieur le président ?


– Oui, sire, – en partie : – est-ce suffisant pour Votre Majesté ?


– Je sais ce que je sais, messire.


– Votre Majesté sait alors à quoi s’en tenir sur la participation de l’Espagne dans cette affaire ?


– De l’Espagne ? oui, monsieur le président, et même de plusieurs autres puissances.


– Il serait important de constater cette participation, sire.

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– Aussi, interrompit Catherine, le roi a-t-il l’intention, monsieur le président, de surseoir à l’exécution, si le coupable signe une confession analogue à ses dépositions devant le juge qui lui a fait infliger la question.


Brisson interrogea le roi des yeux et du geste.


– C’est mon intention, dit Henri, et je ne le cache pas plus longtemps ; vous pouvez vous en assurer, monsieur Brisson, en faisant parler au patient par votre lieutenant de robe.


– Votre Majesté n’a rien de plus à recommander ?


– Rien. Mais pas de variation dans les aveux, ou je retire ma parole. – Ils sont publics, ils doivent être complets.


– Oui, sire. – Avec les noms des personnages compromis ?


– Avec les noms, tous les noms !


– Même lorsque ces noms seraient entachés, par l’aveu du patient, de haute trahison et révolte au premier chef ?


– Même lorsque ces noms seraient ceux de mes plus proches parents ! dit le roi.


– Il sera fait comme Votre Majesté l’ordonne.


– Je m’explique, monsieur Brisson ; ainsi donc, pas de malentendu. On apportera au condamné du papier et des plumes ; il écrira sa confession, montrant par là publiquement qu’il s’en réfère à notre miséricorde et se met à notre merci.

Après, nous verrons.


– Mais je puis promettre ?


– Eh oui ! promettez toujours.

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– Allez, messieurs, dit le président en congédiant les conseillers.


Et ayant salué respectueusement le roi, il sortit derrière eux.


– Il parlera, sire, dit Louise de Lorraine toute tremblante ; il parlera, et Votre Majesté fera grâce. Voyez comme l’écume nage sur ses lèvres.


– Non, non, il cherche, dit Catherine ; il cherche et pas autre chose. Que cherche-t-il donc ?


– Parbleu ! dit Henri III, ce n’est pas difficile à deviner ; il cherche M. le duc de Parme, M. le duc de Guise ; il cherche monsieur mon frère, le roi très catholique. Oui, cherche !

cherche ! attends ! crois-tu que la place de Grève soit lieu plus commode pour les embuscades que la route des Flandres ?

crois-tu que je n’aie pas ici cent Bellièvre pour t’empêcher de descendre de l’échafaud où un seul t’a conduit ?


Salcède avait vu les archers partir pour aller chercher les chevaux. Il avait aperçu le président et les conseillers dans la loge du roi, – puis il les avait vus disparaître : il comprit que le roi venait de donner l’ordre du supplice.


Ce fut alors que parut sur sa bouche livide cette sanglante écume remarquée par la jeune reine : le malheureux, dans la mortelle impatience qui le dévorait, se mordait les lèvres jusqu’au sang.


– Personne ! personne ! murmurait-il, pas un de ceux qui m’avaient promis secours ! Lâches ! lâches ! lâches !…


Le lieutenant Tanchon s’approcha de l’échafaud, et s’adressant au bourreau :


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– Préparez-vous, maître, dit-il.


L’exécuteur fit un signe à l’autre bout de la place, et l’on vit les chevaux, fendant la foule, laisser derrière eux un tumultueux sillage qui, pareil à celui de la mer, se referma sur eux.


Ce sillage était produit par les spectateurs que refoulait ou renversait le passage rapide des chevaux ; mais le mur démoli se refermait aussitôt, et parfois les premiers devenaient les derniers, et réciproquement, – car les forts se lançaient dans l’espace vide.


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