VINGT ANS APRÈS - страница 9

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– Monseigneur, dit Comminges, je répondais que, pour

faire une Ligue, il ne leur manquait qu’une chose qui me parais-

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sait assez essentielle, c’était un duc de Guise ; d’ailleurs, on ne fait pas deux fois la même chose.

– Non, mais ils feront une Fronde, comme ils disent, reprit Guitaut.

– Qu’est-ce que cela, une Fronde ? demanda Mazarin.

– Monseigneur, c’est le nom qu’ils donnent à leur parti.

– Et d’où vient ce nom ?

– Il paraît qu’il y a quelques jours le conseiller Bachaumont a dit au Palais que tous les faiseurs d’émeutes ressemblaient aux écoliers qui frondent dans les fossés de Paris et qui se dispersent quand ils aperçoivent le lieutenant civil, pour se réunir de nouveau lorsqu’il est passé. Alors ils ont ramassé le mot au bond, comme ont fait les gueux à Bruxelles, ils se sont appelés frondeurs. Aujourd’hui et hier, tout était à la Fronde, les pains, les chapeaux, les gants, les manchons, les éventails ; et, tenez, écoutez.


En ce moment en effet une fenêtre s’ouvrit ; un homme se mit à cette fenêtre et commença de chanter :


Un vent de Fronde

S’est levé ce matin ;

Je crois qu’il gronde

Contre le Mazarin.

Un vent de Fronde

S’est levé ce matin !


– L’insolent ! murmura Guitaut.


– Monseigneur, dit Comminges, que sa blessure avait mis de mauvaise humeur et qui ne demandait qu’à prendre une re-

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vanche et à rendre plaie pour bosse, voulez-vous que j’envoie à ce drôle-là une balle pour lui apprendre à ne pas chanter si faux une autre fois ?

Et il mit la main aux fontes du cheval de son oncle.

– Non pas, non pas ! s’écria Mazarin. Diavolo ! mon cher ami, vous allez tout gâter ; les choses vont à merveille, au contraire ! Je connais vos Français comme si je les avais faits depuis le premier jusqu’au dernier : ils chantent, ils payeront.

Pendant la Ligue, dont parlait Guitaut tout à l’heure, on ne chantait que la messe, aussi tout allait fort mal. Viens, Guitaut, viens, et allons voir si l’on fait aussi bonne garde aux Quinze-Vingts qu’à la barrière des Sergents.


Et, saluant Comminges de la main, il rejoignit d’Artagnan, qui reprit la tête de sa petite troupe suivi immédiatement par Guitaut et le cardinal, lesquels étaient suivis à leur tour du reste de l’escorte.


– C’est juste, murmura Comminges en le regardant

s’éloigner, j’oubliais que, pourvu qu’on paye, c’est tout ce qu’il lui faut, à lui.


On reprit la rue Saint-Honoré en déplaçant toujours des groupes ; dans ces groupes, on ne parlait que des édits du jour ; on plaignait le jeune roi qui ruinait ainsi son peuple sans le savoir ; on jetait toute la faute sur Mazarin ; on parlait de s’adresser au duc d’Orléans et à M. le Prince ; on exaltait Blancmesnil et Broussel.


D’Artagnan passait au milieu de ces groupes, insoucieux comme si lui et son cheval eussent été de fer ; Mazarin et Guitaut causaient tout bas ; les mousquetaires, qui avaient fini par reconnaître le cardinal, suivaient en silence.


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On arriva à la rue Saint-Thomas-du-Louvre, où était le poste des Quinze-Vingts ; Guitaut appela un officier subalterne, qui vint rendre compte.

– Eh bien ! demanda Guitaut.

– Ah ! mon capitaine, dit l’officier, tout va bien de ce côté, si ce n’est, je crois, qu’il se passe quelque chose dans cet hôtel.

Et il montrait de la main un magnifique hôtel situé juste sur l’emplacement où fut depuis le Vaudeville.

– Dans cet hôtel, dit Guitaut, mais c’est l’hôtel de Rambouillet.


– Je ne sais pas si c’est l’hôtel de Rambouillet, reprit l’officier, mais ce que je sais, c’est que j’y ai vu entrer force gens de mauvaise mine.


– Bah ! dit Guitaut en éclatant de rire, ce sont des poètes.


– Eh bien, Guitaut ! dit Mazarin, veux-tu bien ne pas parler avec une pareille irrévérence de ces messieurs ! tu ne sais pas que j’ai été poète aussi dans ma jeunesse et que je faisais des vers dans le genre de ceux de M. de Benserade.


– Vous, Monseigneur ?


– Oui, moi. Veux-tu que je t’en dise ?


– Cela m’est égal, Monseigneur ! Je n’entends pas l’italien.


– Oui, mais tu entends le français, n’est-ce pas, mon bon et brave Guitaut, reprit Mazarin en lui posant amicalement la main sur l’épaule, et, quelque ordre qu’on te donne dans cette langue, tu l’exécuteras ?


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