VINGT ANS APRÈS - страница 8

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– Peste, Monseigneur ! dit d’Artagnan, c’est de la modestie.

Quant à moi, je déclare que, si j’avais celui de Votre Éminence, je m’en contenterais et m’engagerais au besoin à n’en porter jamais d’autre.

– Oui, mais pour sortir ce soir, peut-être n’eût-il pas été très sûr. Bernouin, mon feutre.

Le valet de chambre rentra, rapportant un chapeau

d’uniforme à larges bords. Le cardinal s’en coiffa d’une façon assez cavalière, et se retourna vers d’Artagnan :


– Vous avez des chevaux tout sellés dans les écuries, n’est-ce pas ?


– Oui, Monseigneur.


– Eh bien ! partons.


– Combien Monseigneur veut-il d’hommes ?


– Vous avez dit qu’avec quatre hommes, vous vous chargeriez de mettre en fuite cent manants ; comme nous pourrions en rencontrer deux cents, prenez-en huit.


– Quand Monseigneur voudra.


– Je vous suis ; ou plutôt, reprit le cardinal, non, par ici.

Éclairez-nous, Bernouin.


Le valet prit une bougie, le cardinal prit une petite clef do-rée sur son bureau, et ayant ouvert la porte d’un escalier secret, il se trouva au bout d’un instant dans la cour du Palais-Royal.


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II. Une ronde de nuit

Dix minutes après, la petite troupe sortait par la rue des Bons-Enfants, derrière la salle de spectacle qu’avait bâtie le cardinal de Richelieu pour y faire jouer Mirame, et dans laquelle le cardinal Mazarin, plus amateur de musique que de littérature, venait de faire jouer les premiers opéras qui aient été représentés en France.


L’aspect de la ville présentait tous les caractères d’une grande agitation ; des groupes nombreux parcouraient les rues, et, quoi qu’en ait dit d’Artagnan, s’arrêtaient pour voir passer les militaires avec un air de raillerie menaçante qui indiquait que les bourgeois avaient momentanément déposé leur mansué-

tude ordinaire pour des intentions plus belliqueuses. De temps en temps des rumeurs venaient du quartier des Halles. Des coups de fusil pétillaient du côté de la rue Saint-Denis, et parfois tout à coup, sans que l’on sût pourquoi, quelque cloche se mettait à sonner, ébranlée par le caprice populaire.


D’Artagnan suivait son chemin avec l’insouciance d’un

homme sur lequel de pareilles niaiseries n’ont aucune influence.

Quand un groupe tenait le milieu de la rue, il poussait son cheval sans lui dire gare, et comme si, rebelles ou non, ceux qui le composaient avaient su à quel homme ils avaient affaire, ils s’ouvraient et laissaient passer la patrouille. Le cardinal enviait ce calme, qu’il attribuait à l’habitude du danger ; mais il n’en prenait pas moins pour l’officier, sous les ordres duquel il s’était momentanément placé, cette sorte de considération que la prudence elle-même accorde à l’insoucieux courage.


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En approchant du poste de la barrière des Sergents, la sentinelle cria : « Qui vive ? » D’Artagnan répondit, et, ayant demandé les mots de passe au cardinal, s’avança à l’ordre ; les mots de passe étaient Louis et Rocroy.


Ces signes de reconnaissance échangés, d’Artagnan de-

manda si ce n’était pas M. de Comminges qui commandait le poste.

La sentinelle lui montra alors un officier qui causait, à pied, la main appuyée sur le cou du cheval de son interlocuteur.

C’était celui que demandait d’Artagnan.


– Voici M. de Comminges, dit d’Artagnan revenant au cardinal.


Le cardinal poussa son cheval vers eux, tandis que d’Artagnan se reculait par discrétion ; cependant, à la manière dont l’officier à pied et l’officier à cheval ôtèrent leurs chapeaux, il vit qu’ils avaient reconnu son Éminence.


– Bravo, Guitaut, dit le cardinal au cavalier, je vois que malgré vos soixante-quatre ans vous êtes toujours le même, alerte et dévoué. Que dites-vous à ce jeune homme ?


– Monseigneur, répondit Guitaut, je lui disais que nous vivions à une singulière époque, et que la journée d’aujourd’hui ressemblait fort à l’une de ces journées de la Ligue dont j’ai tant entendu parler dans mon jeune temps. Savez-vous qu’il n’était question de rien moins, dans les rues Saint-Denis et Saint-Martin, que de faire des barricades.


– Et que vous répondait Comminges, mon cher Guitaut ?


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