Les Quarante-cinq. Tome I - страница 6

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– Ah ! monsieur, vous avez raison, dix fois raison, vingt fois raison ; mais, ajouta-t-il, sans être trop curieux, oserais-je vous demander quel motif vous soupçonnez à cette mesure ?


– Pardieu ! dit un assistant, la crainte qu’ils ont qu’on ne leur mange leur Salcède.


– Cap de Bious ! dit une voix, triste mangeaille.


Robert Briquet se retourna du côté où venait cette voix dont l’accent lui indiquait un Gascon renforcé, et il aperçut un jeune homme de vingt ou vingt-cinq ans, qui appuyait sa main sur la croupe du cheval de celui qui lui avait paru le chef des autres.


Le jeune homme était nu-tête ; sans doute il avait perdu son chapeau dans la bagarre.


Maître Briquet paraissait un observateur ; mais, en général, ses observations étaient courtes ; aussi détourna-t-il rapidement son regard du Gascon, qui sans doute lui parut sans importance, pour le ramener sur le cavalier.


– Mais, dit-il, puisqu’on annonce que ce Salcède appartient à M. de Guise, ce n’est déjà point un si mauvais ragoût.


– Bah ! on dit cela ? reprit le Gascon curieux ouvrant de grandes oreilles.


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– Oui, sans doute, on dit cela, on dit cela, répondit le cavalier en haussant les épaules ; mais, par le temps qui court, on dit tant de sornettes.


– Ah ! ainsi, hasarda Briquet avec son œil interrogateur et son sourire narquois, ainsi, vous croyez, monsieur, que Salcède n’est point à M. de Guise ?


– Non seulement je le crois, mais j’en suis sûr, répondit le cavalier. Puis comme il vit que Robert Briquet, en se rapprochant de lui, faisait un mouvement qui voulait dire : Ah bah ! et sur quoi appuyez-vous cette certitude ? il continua :


– Sans doute, si Salcède eût été au duc, le duc ne l’eût pas laissé prendre, ou tout au moins ne l’eût pas laissé amener ainsi de Bruxelles à Paris, pieds et poings liés, sans faire au moins en sa faveur une tentative d’enlèvement.


– Une tentative d’enlèvement, reprit Briquet, c’était bien hasardeux ; car enfin, qu’elle réussît ou qu’elle échouât, du moment où elle venait de la part de M. de Guise, M. de Guise avouait qu’il avait conspiré contre le duc d’Anjou.


– M. de Guise, reprit sèchement le cavalier, n’eût point été retenu par cette considération, j’en suis sûr, et, du moment où il n’a ni réclamé ni défendu Salcède, c’est que Salcède n’est point à lui.


– Cependant, excusez si j’insiste, continua Briquet ; mais ce n’est pas moi qui invente ; il paraît certain que Salcède a parlé.


– Où cela ? devant les juges ?


– Non, pas devant les juges, monsieur, à la torture.


– N’est-ce donc pas la même chose ? demanda maître Robert Briquet, d’un air qu’il essayait inutilement de rendre naïf.

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– Non, certes, ce n’est pas la même chose, il s’en faut : d’ailleurs on prétend qu’il a parlé soit ; mais on ne répète point ce qu’il a dit.


– Vous m’excuserez encore, monsieur, reprit Robert Briquet : on le répète et très longuement même.


– Et qu’a-t-il dit ? voyons ! demanda avec impatience le cavalier ; parlez, vous qui êtes si bien instruit.


– Je ne me vante pas d’être bien instruit, monsieur, puisque je cherche au contraire à m’instruire près de vous, répondit Briquet.


– Voyons ! entendons-nous ! dit le cavalier avec impatience ; vous avez prétendu qu’on répétait les paroles de Salcède ; ses paroles, quelles sont-elles ? dites.


– Je ne puis répondre, monsieur, que ce soient ses propres paroles, dit Robert Briquet qui paraissait prendre plaisir à pousser le cavalier.


– Mais enfin, quelles sont celles qu’on lui prête ?


– On prétend qu’il a avoué qu’il conspirait pour M. de Guise.


– Contre le roi de France sans doute ? toujours même chanson !


– Non pas contre Sa Majesté le roi de France, mais bien contre Son Altesse monseigneur le duc d’Anjou.


– S’il a avoué cela…


– Eh bien ? demanda Robert Briquet.


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– Eh bien ! c’est un misérable, dit le cavalier en fronçant le sourcil.


– Oui, dit tout bas Robert Briquet ; mais s’il a fait ce qu’il a avoué, c’est un brave homme. Ah ! monsieur, les brodequins, l’estrapade et le coquemar font dire bien des choses aux honnêtes gens.


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