Les Quarante-cinq. Tome I - страница 40

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Comme il faisait déjà nuit et que sans doute le marchand de ferraille était pressé, ce dernier avait déjà fait une trentaine de pas lorsque Samuel sortit de l’hôtel.


Celui-ci fut donc obligé d’appeler le marchand de ferraille.


Celui-ci s’arrêta avec crainte et jeta un coup d’œil perçant sur l’homme qui venait à lui ; mais le voyant chargé de marchandises, il s’arrêta.


– Que voulez-vous, mon ami ? lui dit-il.


– Eh ! pardieu ! dit le laquais d’un air fin, ce que je veux, c’est faire affaire avec vous.


– Eh bien, alors faisons vite.


– Vous êtes pressé ?


– Oui.


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– Oh ! vous me donnerez bien le temps de souffler, que diable !


– Sans doute, mais soufflez vite, on m’attend.


Il était évident que le marchand conservait une certaine défiance à l’endroit du laquais.


– Quand vous aurez vu ce que je vous apporte, dit ce dernier, comme vous me paraissez amateur, vous prendrez votre temps.


– Et que m’apportez-vous ?


– Une magnifique pièce, un ouvrage dont… Mais vous ne m’écoutez pas.


– Non, je regarde.


– Quoi ?


– Vous ne savez donc pas, mon ami, dit l’homme aux cuirasses, que le commerce des armes est défendu par un édit du roi ?


Et il jetait autour de lui des regards inquiets.


Le laquais jugea qu’il était bon de paraître ignorer.


– Je ne sais rien, moi, dit-il ; j’arrive de Mont-de-Marsan.


– Ah ! c’est différent alors, dit l’homme aux cuirasses, que cette réponse parut rassurer un peu ; mais quoique vous arriviez de Mont-de-Marsan, continua-t-il, vous savez cependant déjà que j’achète des armes ?


– Oui, je le sais.


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– Et qui vous a dit cela ?


– Sangdioux ! nul n’a eu besoin de me le dire, et vous l’avez crié assez fort tout à l’heure.


– Où cela ?


– À la porte de l’hôtellerie de l’Épée du fier Chevalier.


– Vous y étiez donc ?


– Oui.


– Avec qui ?


– Avec une foule d’amis.


– Avec une foule d’amis ? Il n’y a jamais personne d’ordinaire à cette hôtellerie.


– Alors, vous avez dû la trouver bien changée ?


– En effet. Mais d’où venaient tous ces amis ?


– De Gascogne, comme moi.


– Êtes-vous au roi de Navarre ?


– Allons donc ! nous sommes Français de cœur et de sang.


– Oui, mais huguenots ?


– Catholiques comme notre saint père le pape, Dieu merci, dit Samuel en ôtant son bonnet ; mais ce n’est point de cela qu’il s’agit, il s’agit de cette cuirasse.


– Rapprochons-nous un peu des murs, s’il vous plaît ; nous sommes par trop à découvert en pleine rue.

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Et ils remontèrent de quelques pas jusqu’à une maison de bourgeoise apparence, aux vitraux de laquelle on n’apercevait aucune lumière.


Cette maison avait sa porte sous une sorte d’auvent formant balcon. Un banc de pierre accompagnait sa façade, dont il faisait le seul ornement.


C’était en même temps l’utile et l’agréable, car il servait d’étriers aux passants pour monter sur leurs mules ou sur leurs chevaux.


– Voyons cette cuirasse, dit le marchand, quand ils furent arrivés sous l’auvent.


– Tenez.


– Attendez ; on remue, je crois, dans la maison.


– Non, c’est en face.


Le marchand se retourna.


En effet, en face il y avait une maison à deux étages, dont le second s’éclairait parfois fugitivement.


– Faisons vite, dit le marchand en palpant la cuirasse.


– Hein ! comme elle est lourde ! dit Samuel.


– Vieille, massive, hors de mode.


– Objet d’art.


– Six écus, voulez-vous ?


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– Comment ! six écus ! et vous en avez donné dix là-bas pour un vieux débris de corselet !


– Six écus, oui ou non, répéta le marchand.


– Mais considérez donc les ciselures ?


– Pour revendre au poids, qu’importent les ciselures ?


– Oh ! oh ! vous marchandez ici, dit Samuel, et là-bas vous avez donné tout ce qu’on a voulu.


– Je mettrai un écu de plus, dit le marchand avec impatience.


– Il y a pour quatorze écus, rien que de dorures.


– Allons, faisons vite, dit le marchand, ou ne faisons pas.


– Bon, dit Samuel, vous êtes un drôle de marchand : vous vous cachez pour faire votre commerce ; vous êtes en contravention avec les édits du roi, et vous marchandez les honnêtes gens.


– Voyons, voyons, ne criez pas comme cela.


– Oh ! je n’ai pas peur, dit Samuel en haussant la voix ; je ne fais pas un commerce illicite, et rien ne m’oblige à me cacher.


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