VINGT ANS APRÈS - страница 19

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– Vous vous défiez de moi, monsieur de Rochefort. Eh bien, je veux être franc jusqu’au bout ; j’ai besoin de vous, de lui, de tous !


– Commençons par moi, Monseigneur, puisque vous

m’avez envoyé chercher et que me voilà, puis vous passerez à eux. Vous ne vous étonnerez pas de ma curiosité : lorsqu’il il y a cinq ans qu’on est en prison, on n’est pas fâché de savoir où l’on va vous envoyer.


– Vous, mon cher monsieur de Rochefort, vous aurez le

poste de confiance, vous irez à Vincennes où M. de Beaufort est prisonnier : vous me le garderez à vue. Eh bien ! qu’avez-vous donc ?


– J’ai que vous me proposez là une chose impossible, dit Rochefort en secouant la tête d’un air désappointé.


– Comment, une chose impossible ! Et pourquoi cette

chose est-elle impossible ?


– Parce que M. de Beaufort est un de mes amis, ou plutôt que je suis un des siens ; avez-vous oublié, Monseigneur, que c’est lui qui avait répondu de moi à la reine ?


– M. de Beaufort, depuis ce temps-là, est l’ennemi de l’État.

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– Oui, Monseigneur, c’est possible ; mais comme je ne suis ni roi, ni reine, ni ministre, il n’est pas mon ennemi, à moi, et je ne puis accepter ce que vous m’offrez.


– Voilà ce que vous appelez du dévouement ? je vous en fé-

licite ! Votre dévouement ne vous engage pas trop, monsieur de Rochefort.

– Et puis, Monseigneur, reprit Rochefort, vous comprendrez que sortir de la Bastille pour rentrer à Vincennes, ce n’est que changer de prison.


– Dites tout de suite que vous êtes du parti de

M. de Beaufort, et ce sera plus franc de votre part.


– Monseigneur, j’ai été si longtemps enfermé que je ne suis que d’un parti : c’est du parti du grand air. Employez-moi à tout autre chose, envoyez-moi en mission, occupez-moi activement, mais sur les grands chemins, si c’est possible !


– Mon cher monsieur de Rochefort, dit Mazarin avec son air goguenard, votre zèle vous emporte : vous vous croyez encore un jeune homme, parce que le cœur y est toujours ; mais les forces vous manqueraient. Croyez-moi donc : ce qu’il vous faut maintenant, c’est du repos. Holà, quelqu’un !


– Vous ne statuez donc rien sur moi, Monseigneur ?


– Au contraire, j’ai statué.


Bernouin entra.


– Appelez un huissier, dit-il, et restez près de moi, ajouta-t-il tout bas.


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Un huissier entra. Mazarin écrivit quelques mots qu’il remit à cet homme, puis salua de la tête.

– Adieu, monsieur de Rochefort ! dit-il.


Rochefort s’inclina respectueusement.

– Je vois, Monseigneur, dit-il, que l’on me reconduit à la Bastille.

– Vous êtes intelligent.

– J’y retourne, Monseigneur ; mais, je vous le répète, vous avez tort de ne pas savoir m’employer.


– Vous, l’ami de mes ennemis !


– Que voulez-vous ! il me fallait faire l’ennemi de vos ennemis.


– Croyez-vous qu’il n’y ait que vous seul, monsieur de Rochefort ? Croyez-moi, j’en trouverai qui vous vaudront bien.


– Je vous le souhaite, Monseigneur.


– C’est bien. Allez, allez ! À propos, c’est inutile que vous m’écriviez davantage, monsieur de Rochefort, vos lettres seraient des lettres perdues.


– J’ai tiré les marrons du feu, murmura Rochefort en se retirant ; et si d’Artagnan n’est pas content de moi quand je lui raconterai tout à l’heure l’éloge que j’ai fait de lui, il sera difficile. Mais où diable me mène-t-on ?


En effet, on conduisait Rochefort par le petit escalier, au lieu de le faire passer par l’antichambre, où attendait

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d’Artagnan. Dans la cour, il trouva son carrosse et ses quatre hommes d’escorte ; mais il chercha vainement son ami.

– Ah ! ah ! se dit en lui-même Rochefort, voilà qui change terriblement la chose ! et s’il y a toujours un aussi grand nombre de populaire dans les rues, eh bien ! nous tâcherons de prouver au Mazarin que nous sommes encore bons à autre chose, Dieu merci ! qu’à garder un prisonnier.

Et il sauta dans le carrosse aussi légèrement que s’il n’eût eu que vingt-cinq ans.


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IV. Anne d’Autriche à quarante-six ans

Resté seul avec Bernouin, Mazarin demeura un instant

pensif ; il en savait beaucoup, et cependant il n’en savait pas encore assez. Mazarin était tricheur au jeu ; c’est un détail que nous a conservé Brienne : il appelait cela prendre ses avantages.


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